La façon dont la vie professionnelle se « met en route » est souvent la rencontre d’une dose de programmation et d’une dose de hasard. Peu de personnes font un choix d’études par passion car vers 18 ans, peu de personnes en ont. La plupart d’entre nous fait un choix d’études – ou n’en fait pas – en fonction de circonstances personnelles, du milieu social, de ce qui « semble être le mieux ». Plus nombreux encore sont ceux qui font un choix par défaut.
Ces choix de départ sont rarement complètement erronés : ils s’appuient sur un talent ou intérêt que l’on a et que l’on développe. Mais c’est le plus souvent le début de la vie professionnelle qui sert de révélateur : c’est là où on commence à savoir ce que l’on aime faire ou non. C’est là où on commence à sentir « le vent dans les voiles », où on découvre les points d’appui sur lesquels on va progressivement se construire professionnellement. Ces socles ont un lien souvent relatif avec les connaissances que l’on a engrangées pendant ses études. Ils ont trait à des caractéristiques de notre personnalité et à des modes d’approche de résolution de problèmes appris sur les bancs de l’école et surtout dans la vie.
C’est aussi en voyant ce que font les autres, qu’on découvre souvent ce vers quoi on a envie d’évoluer… Ou que vient l’envie de s’enfuir. Intellectuellement, on entend parler de telle ou telle chose qui pique la curiosité et soulève l’intérêt. Humainement, on est en contact avec une grande variété de personnalités, certaines que l’on prend en exemple… et d’autres en contre-exemple.
La culture des sociétés dans lesquelles on va évoluer va aussi avoir un impact : le management va soit faire confiance et lancer des défis, ce qui conviendra aux curieux et aux ambitieux, soit favoriser le zéro risque et le contrôle ce qui conviendra aux inquiets.
Peu ou prou, chacun va trouver une place qui lui convient à peu près et développer une expertise à partir de là. Celle-ci comporte des aspects techniques plus ou moins importants, et des aspects plus personnels : comment aborde-t-on les problèmes ? Comment se positionne-t-on vis-à-vis de ses collègues ? Vis-à-vis du management ? Le développement de cette façon de se comporter dans le milieu professionnel va être largement tributaire de l’environnement dans lequel on évolue : on ne résout pas les problèmes de la même façon dans une PME que dans une multinationale.
Le développement de la carrière se fait dans la très grande majorité des cas dans un milieu relativement homogène. Même si chaque entreprise a sa propre culture, les personnes qui ont commencé à travailler dans des grandes structures font carrière dans des multinationales. Les personnes qui travaillent dans des PME y restent, ou évoluent avec le développement de la structure.
Chacun développe des modes de fonctionnement qui sont adaptés au contexte dans lequel il a commencé à évoluer. Cela devient une norme personnelle, une « personnalité professionnelle » en quelque sorte, qui a du sens dans ce contexte précis.
Le résultat est qu’on « se pense » professionnellement comme une personne qui a développé un savoir-faire et un savoir être dans un contexte précis, et que celui-ci a été déterminé au départ par un élément plus ou moins important de hasard. Nous avons conscience des socles, sur lesquels nous avons développé notre vie professionnelle… Mais il est très probable qu’il existe des socles « fantômes » qui n’ont pas été mis en lumière parce que le contexte professionnel ne le requérait pas.